edward et les mains d argent

Edwardaux mains d'argent est un film romantique. Edward Scissorhands n'est pas un garçon ordinaire. Création d'un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer, un cerveau pour comprendre. Mais son concepteur est mort avant d'avoir pu terminer son œuvre et Edward se retrouve avec des lames de métal et des instruments tranchants en guise de doigts. EdwardAux Mains D'argent est un(e) programme sur la télévision française de Arte qui avait reçu une moyenne de 4,0 étoiles par les visiteurs d'EmissionReplay.fr. En ce moment, nous possédons 1 émissions dans nos archives, dont la première a été diffusée en juillet 2018. Vous avez manqué une émission de Edward Aux Mains D'argent et vous souhaitez Letitre original est « Edward aux mains ciseaux ». Les mains d’argent peuvent évoquer tout autre chose aux élèves, recueillir leurs hypothèses qui seront validées ou invalidées lors de la découverte de l’affiche. L’affiche et la musique. Affiche composée en deux parties : les ¾ de l’affiche montre un jeune couple, le reste Eten la matière, Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands) est un concentré de traits burtoniens. Dessin de Tim Burton, "Edward Scissorhands", 1990 . Indéniablement, Burton est un créateur fidèle. Fidèle à ses collaborateurs, d’une part : acteurs et actrices (Johnny Depp, Helena Bonham Carter), compositeur (Danny Elfman), costumière (Colleen Atwood) Les équipes Edwardéveille la curiosité des voisins et surtout des « amies » de Peg. Ses mains-ciseaux sculptent arbres, poils des chiens et cheveux de ces dames ! Il passe même à la télé. Jim, le brutal petit ami de Kim, l’utilise pour un cambriolage où il est pris. Alors tous le rejettent, sauf la famille de Peg et surtout Kim. La haine de la Site De Rencontre Pour Ado Pour Trouver L Amour. ARTE diffuse Edward aux mains d’argent Edward Scissorhands, 1990 lundi 9 juillet à 20h55. L’intérêt du cinéma de Burton, hormis talent pour l’invention d’univers gothiques et de bestiaires fantastiques, réside dans cette sensibilité juvénile et rebelle, cette phobie du conformisme et de la normalité » qui en ont fait le cinéaste élu des adolescents du monde entier, le poète des freaks », marginaux, parias. Un des plus beaux films de Burton, Edward aux mains d’argent, organise ainsi la rencontre fortuite du cinéma de Nicholas Ray et de Jean Cocteau. Le personnage d’Edward, créature inachevée et orpheline, se situe entre la figure du rebelle malgré lui Johnny Depp en néo James Dean et de l’innocent aux ailes coupées blessé par la dureté du monde. Le thème coctaldien de l’angélisme traverse l’œuvre de Burton, au même titre que ceux de la fuite vers le rêve, de la défiance envers toute forme d’organisation sociale, et de la filiation problématique. Burton est un ciné fils, qui s’est choisi des maîtres hors normes, petits papes de la contre-culture et de la série B Mario Bava, Roger Corman, Russ Meyer, Nathan Juran, Terence Fisher, etc.. Il s’était aussi trouvé un père de substitution, l’acteur Vincent Price auquel il dédia un superbe court métrage d’animation Vincent et offrit le dernier rôle, ô combien symbolique, du savant qui crée Edward avant de mourir dès la fin du générique. Vincent Price était un prince du film d’horreur, un acteur excentrique, cultivé et délicieux, dont la diction onctueuse et la silhouette inquiétante ont traversé l’histoire du cinéma américain, de Mankiewicz et Preminger aux films d’exploitation des années 70. Avec Edward aux mains d’argent, Tim Burton permet à Vincent Price de quitter en beauté les plateaux de Hollywood, en même temps qu’il propulse Johnny Depp vers le statut d’icône du cinéma contemporain, figure masculine à la fois déviante et romantique. Johnny Depp et Vincent Price dans Edward aux mains d’argent de Tim Burton Edward aux mains d'argent », un film de Tim Burton 1990 Le talon d'Achille d'un cinéma qui accorde une place importante à l'imaginaire et au merveilleux se situe peut-être dans la confrontation avec les autres formes d'imaginaires que cette imagination rencontre lorsqu'elle étend sa toile. Elle aurait tendance à dévaluer, caricaturer voire tout simplement nier les imaginaires qui ne lui ressemblent pas, ainsi que toute personne, au premier coup d’œil, qui serait de son point de vue dénuée d'imagination, comme si cela était possible. Plusieurs films de Tim Burton, Edward aux mains d'argent en tête, traduisent ce constat. Ils en jouent même délibérément puisqu'ils permettent au cinéaste d'afficher sa singularité incomprise et de prendre sa revanche sur ceux qui lui ont collé un étiquette durant sa jeunesse. Comme nous avons essayé de le montrer dans un précédent texte, l'imaginaire de Tim Burton est policier il juge, hiérarchise, oppose, nie. C'est un imaginaire qui se mérite et qui semble avoir besoin de se déployer en opposition avec autre chose que lui-même. Tout le monde ne peut pas y accéder, à l'image de ces pauvres gens aux goûts mainstream, ces sales gosses narcissiques, ces ados abrutis par la bière ou ces pères beaufs fans de baseball qui peuplent sa filmographie. Ce phénomène n'est pas lié à la trajectoire décadente qu'a connu le cinéma de Tim Burton. Il était déjà pleinement à l’œuvre dans Edward aux mains d'argent, qui est pourtant considéré comme son film le plus personnel et un des meilleurs films des années 90. Or, dans Batman, une commande réalisée un an plus tôt, cet imaginaire policier s'efface au profit de l'unité diégétique héritée du comics où les imaginaires des personnages se retrouvent égaux entre eux. Faudrait-il alors revoir la filmographie de Burton au prisme de l'opposition entre film personnel et film de commande ? Ses films ne sont-ils pas plus riches et stimulants lorsqu'ils laissent au placard leur esprit revanchard ? Edward aux mains d'argent » et son imaginaire policier Le prologue d'Edward aux mains d'argent présente l'enfant burtonien par excellence. Il neige et le petit ange est couché bien au chaud dans son lit en attendant que sa grand-mère lui raconte une merveilleuse histoire. Ce sera celle d'Edward, une créature inachevée créée de toute pièce par un inventeur qui habite dans un château surplombant une petite banlieue américaine. Celle-ci se caractérise par la multitude de couleurs qui s'en dégagent, tout y semble joyeux et agréable. Mais il ne faut pas s'y tromper derrière les apparences se cache un quotidien triste et sans saveur. Les maris partent travailler à la même heure pendant que les femmes restent au foyer à pinailler et converser entre elles. Peg Dianne Wiest nous fait la visite du quartier. Vendeuse de produits cosmétiques, elle se rend sans succès chez ses "amies" avant de prendre la décision farfelue de monter jusqu'au château. Dans le rétroviseur de la voiture de Peg, celui-ci apparaît, en opposition avec les couleurs de la banlieue, dans toute sa laideur. Sauf qu'une fois sur place, Peg est accueillie par un magnifique jardin où chaque plante est taillée à la perfection. Tim Burton installe ici une première opposition. Vu de loin, le château ne mérite pas le coup d’œil, il est même plutôt effrayant. Une fois sur place, par contre, ce qui était dissimulé à l’œil de l'individu maussade d'en-bas se dévoile dans toute sa splendeur ce jardin secret n'était pas accessible pour tout le monde. Peg trouve Edward dans le grenier. Il dort sur un lit entouré de photos découpées dans des magazines. Ce petit détail prouve qu'il possède un univers bien à lui en opposition avec les intérieurs froids de la banlieue. Seule Kim Winona Ryder, la fille de Peg, a une chambre aussi décorée que la sienne. Ce n'est pas un hasard s'ils tomberont amoureux puisque ils ont au moins en commun un imaginaire riche. Peg décide donc d'amener Edward en ville et de le loger dans sa propre maison. Ce drôle d'individu déchaîne rapidement les passions autant que la curiosité des femmes du quartier. Une d'entre elles, Joyce Kathy Baker, sort du lot. C'est la nymphomane et la figure la plus singulière. Peg n'a pas d'autres choix que de présenter Edward pour qu'il soit accepté par la communauté. Joyce en fait directement une proie potentielle tandis qu'Esmeralda O-Lan Jones menace les habitants du danger que représente sa venue. Esmeralda est présentée mystérieusement une première fois à sa fenêtre où quelques bougies et autres objets sont posés sur la tablette. Serais-ce un personnage à l'imaginaire singulier ? Plus tard, on découvre que c'est en réalité une chrétienne fanatique dont Tim Burton se moque ouvertement. Si l'intérieur de sa maison est richement décoré, ce n'est qu'au nom d'un culte grotesque et pathologique qui sert à lui faire porter la casquette de "folle du village". Joyce, elle aussi, se voit présentée comme un personnage maladif, notamment dans la célèbre scène où Edward lui coupe les cheveux. "L'innocence d'Edward révèle de plus en plus explicitement les désirs pervers de l'American Way of Life" 1. C'est alors "le contraste entre rituel de mort/amour et la quotidienneté de la situation qui fait le piment de la scène l'horreur tranquille, l'horreur que chaque habitant retourne en une jouissance" 2. Toute la problématique est là. On peut se contenter de la critique qu'Edward aux mains d'argent adresse à l'American Way of Life ou s'y opposer farouchement en soulignant à quel point Tim Burton dénigre des imaginaires différents du sien au lieu d'y reconnaître simplement des créatures d'un autre univers. La nymphomane ou la fanatique ne sont-elles pas dotées d'un imaginaire tout aussi puissant et capable de réagencer des mondes ? Burton préfère en tout cas les juger que de les mettre sur le même pied d'égalité que son imaginaire merveilleux dont Edward est l'incarnation. Outre la petite communauté, Peg doit aussi faire face à son mari et ses deux enfants. Kevin Robert Oliveri, le fils, est le contre-exemple de l'enfant du prologue à qui l'histoire est racontée. Il est le genre d'enfants que Tim Burton adore détester. Il ne semble en effet pas croire au merveilleux, il est bien souvent impoli, insensible, discrètement méchant et ne tisse aucuns liens d'amitié avec Edward. Leur seul moment de complicité apparaît lorsque Kevin présente Edward à sa classe. Mais là encore, il est difficile de penser qu'une amitié s'est crée entre eux tant Kevin donne l'impression d'exposer une bête de foire super cool. Jamais il ne laisse entrer Edward dans son imaginaire comme l'aurait fait un bon enfant burtonien ou spielbergien. C'est à nouveau là que se situe le problème Kevin ressemble à un enfant anesthésié à l'imaginaire pâlot. Comme son père, il semble intéressé par le baseball et aime se réfugier avec un ami dans la cabane de son jardin. Vers la fin du film, lorsqu'Edward est en fuite, il sort de la maison d'un voisin pour rentrer chez lui. Il passe alors devant un grand dinosaure taillé par Edward. La musique, au ton plutôt sombre, souligne une surprenante étrangeté, un peu comme si Kevin avait peur du buisson taillé en forme de diplodocus. Ce plan énigmatique et presque détonnant par rapport à l'ensemble du film ne semble avoir pour but que d'opposer définitivement le jeune garçon à l'imaginaire de Tim Burton. Plutôt que d’accueillir les merveilles d'Edward et de les utiliser pour repeupler son imaginaire, il les voit comme des choses terrifiantes et étrangères. Edward aux mains d'argent propose de considérer l'imaginaire de Tim Burton comme un remède à la pauvreté de l'American Way of Life. C'est d'ailleurs sur papier la belle idée du film rendre virale l’énergie créatrice d'Edward. Cette viralité débute évidemment par une opération de substitution d'imaginaire. Lorsque Edward effectue sa première création, il se trouve à côté de Bill Alan Arkin, le mari de Peg, qui écoute le baseball affalé dans son transat. La bande-son prolonge les applaudissements du public qu'on entend à la radio sur un plan montrant Edward posé devant son premier dinosaure. Un imaginaire est supplanté par un autre ; bien que Tim Burton ne semble pas accordé beaucoup de poids à l'imaginaire en place le plus commun et le plus éloigné du sien. Edward devient ensuite rapidement le chouchou du quartier en taillant non seulement les plantes, mais aussi les chiens puis les cheveux des femmes. Il apporte une touche sauvage à ce monde trop bien ordonné. Très vite, pourtant, "dans ce monde hostile où on assassine avec le sourire, une menace sous-jacente, un renversement de situation se transformera en haine féroce" 3. Tim Burton explique que ce retournement de situation, et la critique sociétale qui l'accompagne, lui vient de son enfance. "Pendant tout mon enfance je me sentais bizarre. Il y avait quelque chose d'étrange qui planait dans cette ville. Les gens étaient amicaux, mais uniquement en surface. Comme s'ils étaient forcés de l'être" 4. Outre la haine de l'autre, à l'image d'un autre beauf du film, Jim Anthony Michael Hall, le petit ami débile de Kim, on ne voit pas ce qui empêche Edward de redonner vie à ce petit quartier. Tim Burton semble nous dire qu'au fond personne, dans ce petit monde, n'est digne de pouvoir accueillir la singularité de son imaginaire. Lors du barbecue organisé par Peg, tous les voisins se moquaient déjà gentiment d'Edward dans un climat d’hypocrisie générale. Et quand il s'enfuit après un quiproquo, les habitants ont peur. Personne ne part à sa recherche et tout le monde souhaite qu'il ne revienne jamais. Bill, perché sur son toit en train d'installer les décorations de Noël, témoigne de la même nonchalance qui a été la sienne durant tout le film. Le plus incompréhensible reste la réaction passive de Peg. Alors qu'elle ramène Edward sans aucune raison chez elle, elle l'abandonne tout aussi subitement jusqu'à disparaître du récit. Comme ses voisines, elle reste cloîtrée chez elle et demande à Bill de partir à la recherche d'Edward. Pourquoi retourne-t-elle sa veste ? Si Tim Burton n'aime pas répondre aux questions touchant à la logique de ses films par exemple "Mais où Edward s'est-il procuré glace ? Je réponds sans attendre "Allez revoir tels pères, telle fille"!" 5, il est quand même surprenant de voir ce personnage central, de surcroît tout à fait disposé à faire entrer Edward dans son imaginaire, disparaître sans raison et assumer un retour à son quotidien qu'elle n'a peut-être jamais voulu abandonner. Tim Burton préférait sans doute souligner en premier lieu l'opposition irréductible entre l'imaginaire d'Edward et l'imaginaire décadent de la banlieue américaine, voire son absence d'imaginaire tout court. C'est pourquoi la viralité laisse place à l'emmurement. Edward retourne dans le grenier de son château en incompris voué à vivre pour toujours loin des hommes perfides. C'est du haut de son jardin secret qu'il fera tomber la neige et enchantera ceux qui, à l'instar de l'enfant du prologue, croient toujours au merveilleux. La marchandisation de l'imaginaire burtonien Cette première analyse avait pour but de montrer comment fonctionne l'imaginaire policier de Tim Burton. Il est possible d'aller encore plus loin Edward aux mains d'argent permet également de considérer cet imaginaire comme une marchandise. Rien de nouveau ici depuis Marx ou le célèbre Kulturindustrie de Adorno et Horkheimer, les œuvres circulent dans un flux de capitaux à l'intérieur d'innombrables marchés. Rien n'y échappe ou presque. Il est amusant de voir comment Tim Burton a transformé son imaginaire, sa patte et son univers macabre en un produit indépendant et exportable sous différentes formes. L'imaginaire d'un cinéaste peut-il se détacher du film où il s'exprime ? Énoncée dans ces termes, l'idée paraît ridicule. Pour la mettre à l'épreuve, il faut prendre en compte au moins deux facteurs. Le premier consiste à opérer une distinction entre deux façons dont l'imaginaire prend possession du récit et du monde dans lequel l'histoire est racontée. Le merveilleux ou le surnaturel, le futurisme, etc. peut soit entrer en opposition avec une réalité mainstream ou dépourvue de fantaisie Edward aux mains d'argent, soit il est partagé par tous les personnages qui baignent, au départ, à égalité dans un seul et même monde les deux Batman, par exemple. Cette distinction ne recouvre pas exactement celle qui existe entre le fantastique et la science-fiction, puisque une dystopie de SF peut déployer un imaginaire policier et le cinéma fantastique, s'il contamine une réalité qui ressemble à notre monde, peut très bien se passer du principe d'opposition entre imaginaires pour fonctionner. Nous voyons ici qu'il s'agit d'un choix que beaucoup de cinéastes ne font pas lorsqu'une critique de la société américaine est distillée dans un film, elle ne s'exprime pas forcément par le canal de l'opposition. Souvent, les populations sont opprimées, lobotomisées ou manipulées par un régime politique qui leur impose une existence mainstream. Il n'y a évidemment rien de tout cela dans Edward aux mains d'argent puisque le squelette du récit est articulé par un cinéaste conscient de juger sans fondement ni explication l'imaginaire de la classe moyenne américaine. Le second facteur qui intervient est la façon dont l'imaginaire est directement récupéré par les rouages de l'économie libérale. Dans le petit quartier d'Edward aux mains d'argent, tout est soumis au régime de la marchandise. Le but est de gagner de l'argent pour assurer son confort et être accepté par la communauté. Dans ce contexte, l'imaginaire devient ouvertement une denrée comme une autre. Edward aux mains d'argent offre un exemple parfait de cette transformation de l'imaginaire en marchandise. Après avoir attiré la curiosité du voisinage, Peg et Bill sont bien obligés de faire quelque chose d'Edward. Bill, en bon père américain, parle assez tôt de faire de l'argent comme si c'était le seul moyen de donner un sens à l'existence de la drôle de créature. Peg pense alors ouvrir un salon de coiffure où Edward pourrait exercer ses talents tout en gagnant de l'argent. Elle le traine d'abord à la banque afin d'obtenir un prêt avant de lui trouver un commerce à remettre où il pourrait rapidement s'installer. Elle l'emmène aussi chez un psychologue pour voir s'il est apte à exercer une activité. Cette balade dans les entrailles du monde libéral se termine par un passage en télévision dans un talk show vulgaire à l'américaine où le pauvre Edward finit par craquer sous le poids de la pression. On pourrait voir dans cette courte parenthèse du récit l'expression d'un imaginaire capitalisé. Peg, qui a plus de cœur que son fils, traîne Edward moins comme une bête de foire qu'une sorte d'artisan dont elle veut embellir l'existence. Bien sûr, Tim Burton dénonce clairement cette mascarade qui malmène sa créature tant aimée. Pourtant, et non sans ironie, c'est par les coupes qu'introduit son imaginaire policier dans la réalité que cette marchandisation d'Edward est rendue possible. S'il n'y avait pas deux mondes en opposition, deux imaginaires, deux manières de répondre à l'incursion de la féérie dans la réalité, ce recyclage de l'imaginaire burtonien dans l'économie libérale n'aurait pas lieu d'être. Tim Burton ne semble pas voir que sa critique de la société américaine s'applique aussi à son propre imaginaire, un imaginaire qui ne se fond pas dans le décor mais le surplombe, avec sa viralité et son fonctionnement totalitaire. Cette hypothèse ne tient plus lorsque le cinéaste abandonne son esprit revanchard et critique. Lorsqu'il accepte de réaliser plusieurs films de commande comme Beetlejuice 1988, Batman 1989 et Batman, le défi 1992, son imagination se met au service du seul et unique monde dans lequel le récit se déroule l'unité diégétique du film, le monde des personnages que l'imaginaire policier Tim Burton ne segmente plus. L'imagination macabre du cinéaste trouve un terrain d'expression idéal dans le Gotham poisseux et corrompu de Batman. Le film est ainsi conforme à la noirceur du comics. Ce monde dystopique appartient au registre de la science fiction et tout le monde y survit selon les règles qu'il impose. Les quatre personnages principaux sont dotés d'imaginaires propres qui ne sont ni hiérarchisés, ni jugés selon un principe moral le degré de merveilleux sur l'échelle de l'imaginaire. Il y a ainsi l'imaginaire fou du Joker ; celui, plus ténébreux, de Bruce Wayne ; celui de la photographe Vicki Vale Kim Basinger et, enfin, celui du reporter Alexander Knox Robert Wuhl qui rêve de remporter le prix Pulitzer. Quatre imaginaires différents donc, mais égaux entre eux. Dans Beetlejuice, qui est plus proche d'Edward aux mains d'argent, un couple décède dans un accident de voiture et se voit condamné à hanter leur maison. Lorsque des acheteurs farfelus s'y installent, ils vont essayer de les chasser le plus vite possible mais c'est l'inverse qui se produit le film va lentement rapprocher les morts et les vivants autour d'une coexistence heureuse au sein de la maison. Tim Burton fait pourtant d'abord du personnage de Winona Ryder une sorte de double de lui-même. Elle sera au début la seule personne capable de voir les fantômes, et cela parce que son imaginaire macabre lui permet de croire au surnaturel... Cette hiérarchie typiquement burtonienne s’effritera assez rapidement. Les parents, jugés sévèrement au début, à l'instar de l'attaché de presse coquet de la mère, seront reconnus dans la singularité de leur imaginaire. Beetlejuice se termine par une scène de joie contagieuse on se dit alors que le cinéma de Tim Burton a peut-être manqué un train. Qu'aurait pu réserver cette ouverture à la joie et la bonne humeur, le partage et la féérie d'un vivre-ensemble bricolé de singularités fortes ? Edward aux mains d'argent » la revanche de Tim Burton ? S'il n'est pas question ici d'éclairer Edward aux mains d'argent à la lumière des déclarations que tient Tim Burton sur sa vie personnelle – cela fait deux siècles que Sainte-Beuve est derrière nous – ou sur les conditions du tournage, il est néanmoins intéressant de se pencher sur certains de ses propos car ils permettent de mieux situer l'origine de cet imaginaire policier. Le cinéaste aime se présenter comme un étranger un peu farfelu aux propos incompréhensibles que les studios regardent avec des yeux écarquillés 6. Cette impression de marginalité, Tim Burton la connaît depuis sa jeunesse où Edward aux mains d'argent prend sa source. "Adolescent, j'avais énormément de mal à communiquer avec le reste du monde, à lier des relations avec les autres, et ma personnalité n'avait rien à voir avec l'impression que je donnais. Je me trouvais, comme tant d'autres, dans l'impossibilité d'exprimer les sentiments que j'éprouvais. Edward veut lui aussi toucher ce qui l'entoure, mais ne peut le faire, son désir créateur est en même temps un désir destructeur" 7. Jusqu'ici, rien d'anormal, il est logique qu'une création puisse résonner avec une situation vécue durant l'adolescence. Très vite, pourtant, ce désir créateur pour reprendre les mots du cinéaste se trouve entaché par la revanche, voire une certaine forme de haine, qui présuppose que sa marginalité soit considérée comme un antidote à sa perception désenchantée du monde. "Je me suis rendu compte très jeune que la tolérance n'était pas chose répandue. On doit, très tôt, s'aligner sur certains schémas, en tout cas aux États-Unis. Dès notre premier jour d'école, on nous explique que celui-ci est intelligent, mais que celui-là ne l'est pas ; que celui-ci est normal, mais que celui-là est bizarre. On te fait entrer immédiatement dans des catégories. C'est dans mon agacement face à ces "principes" que j'ai puisé Edward aux mains d'argent" 8. Outre le fait que ces propos soient tout à fait arbitraires nous pourrions sans difficulté comparer sa situation à la nôtre, ils révèlent un mal-être profond qui va se traduire conjointement par une attaque frontale contre la banlieue petite-bourgeoise dans laquelle il vivait adolescent. "Grandir dans ces banlieues, c'est grandir dans un univers sans histoire, sans culture, sans passions. Les gens écoutaient de la musique – mais l'entendaient-ils vraiment ? On avait l'impression que tout leur était profondément indifférent" 9. L'ado de l'époque a-t-il poussé les portes de chaque maison de son quartier ? Palper l'ambiance latente d'une atmosphère a priori superficielle suffit-il à établir une "vérité" ? Nous retrouvons clairement ici la base de la critique que nous formulons au cinéaste ce dernier aurait largement sous-évalué l'imaginaire potentiel des personnes qu'ils jugent comme incapable du moindre écart de conduite, du moindre saut dans un imaginaire aussi riche que le sien. Le pauvre Tim n'avait pas le choix, "du coup, il fallait ou bien se fondre dans la masse et renoncer à une grande part de soi-même, ou bien posséder une vie intérieure et donc se couper des autres" 10. Cette phrase effrayante mériterait de longs développements. Si elle traduit l'état d'âme de Burton, elle ne semble valoir que pour lui seul. Elle contient tant de colère, de présupposés et de jugements qu'il est pratiquement impossible de voir en Edward aux mains d'argent autre chose qu'un moyen d'exprimer ces différents ressentiments. On comprend mieux pourquoi Burton, au même titre qu'Edward, fait le choix de se caparaçonner 11. C'est ici qu'intervient Jim, le petit ami de Kim et rival d'Edward dans la conquête de son cœur, dont nous n'avons pas encore beaucoup parlé. Dans le final d'Edward aux mains d'argent, Edward le tue et beaucoup de critiques ont reproché à Tim Burton ce qui s'apparente à une revanche. Le principal intéressé ne dément pas "Je pense que j'ai dû satisfaire là un fantasme de vengeance qui remontait à la fac ou au lycée. Je crois que ça m'a fait du bien" 12. Avec de tels propos, il est difficile de mettre en doute une théorie de l'imaginaire policier à l’œuvre chez Tim Burton. Celui-ci ajoute encore que "ces types me laissaient pantois. Je songeais et ce sont ces types-là qui ont toutes les filles ! Et ce sont ces gars-là qui nous représentent, alors que ce sont de vrais psychopathes" 13, avant d'expliquer qu'il s'est rendu à une réunion d'anciens élèves où il a pu constater que les marginaux et les souffre-douleurs avaient réussi leur vie à l'inverse des caïds de l'époque ! 14. Les rouages de l'imaginaire policier sont ici clairement visibles il s'agit de dévaluer une autre forme d'imaginaire dont la critique ne comprend pas les tenants et les aboutissants. Et si ses gros bras avaient leur propre imaginaire et une intériorité aussi riche que celle du cinéaste ? Jamais le cinéma de Tim Burton ne va à la rencontre de ceux à qui il dénie une vie potentiellement riche. La conclusion sans appel du cinéaste résonne avec la fin d'Edward aux mains d'argent "En réaction à cet univers dans lequel j'ai vécu toute mon enfance, j'ai choisi une manière de me placer au-dessus, d'être en dehors, d'aller au-delà, de vivre dans un lieu qui ne ressemble pas à un intérieur de boîte à chaussures 15" 16. Pour ne pas conclure Tim Burton, un imaginaire taillé pour la science-fiction ? En guise de conclusion, nous pourrions avancer l'idée que l'imagination de Tim Burton n'est jamais aussi fertile que lorsqu'elle renonce à sa "touche personnelle" qui consisterait en partie à introduire une critique ratée de l'American Way of Life. Celle-ci fonctionnerait mieux si elle incriminait un pouvoir ou une cause extérieure justifiant l'uniformisation des êtres humains. L'art macabre de Tim Burton trouve donc dans les films de commande un agencement où le merveilleux peut se déployer dans l'ensemble de l'univers diégétique sans devoir procéder à des coupes dans la réalité ou mettre en opposition des formes différentes d'imaginaire. On peut évidemment ne pas partager cette analyse et continuer de célébrer l'imaginaire foisonnant de Tim Burton et sa capacité à nous émerveiller. Il ne faut pas oublier qu'il est l'un des rares cinéastes à pouvoir donner vie aux inventions les plus fantastques de son imagination, ce qui le rend précieux à bien des égards. Mais un cinéma de l'imaginaire peut aussi très bien s'exprimer sans l'esprit revanchard, élitiste et policier que nous avons décelé chez Tim Burton. Il existe autant d'imaginaires qu'il n'y a d'êtres humains. On peut en détester beaucoup, les moquer, les renvoyer éventuellement à leurs propres limites, mais les reconnaître et les explorer seraient déjà une première étape. Il reste au cinéma beaucoup de formes d'imaginaires à apprivoiser, en sachant qu'il s'agit d'un des terreaux le plus fertiles pour parler de la réalité elle-même et éviter les pièges du naturalisme. Le cinéma de Tim Burton ne semble pourtant pas concerner par tout cela il évolue dans son propre monde où le produit de son imagination est roi. La réalité y surgit seulement pour être critiquée et moquée car la vrai vie réside peut-être uniquement dans l'imaginaire. Pour poursuivre la lecture autour de Tim Burton Guillaume Richard, Tim Burton, Policier de l'imaginaire et Fossoyeur de freaks », Le Rayon Vert, 12 septembre 2017. Guillaume Richard, Dumbo de Tim Burton L’Éléphant qui réenchante les Regards », Le Rayon Vert, 7 avril 2019. Sorti chez nous en avril 1991, il y a 30 ans quasi jour pour jour, le film "Edward aux mains d’argent" de Tim Burton a lancé la carrière cinématographique de Johnny Depp. Souvenirs aiguisés…- Tu ne veux pas jouer à Chifoumi avec moi ? - Non je gagne tout le temps ! Il est vrai qu’à Pierre-Papier-Ciseaux, Edward gagne haut la main. Edward et ses mains d’argent. Edward et ses doigts Que vous est-il arrivé ? - Je ne suis pas fini ! Cette réplique-là aussi, vous l’avez encore tous en mémoire si vous avez vu "Edward aux mains d’argent" de Tim Burton, sorti en salles en Belgique et en France à la mi-avril 1991, il y a 30 ans déjà. Edward brillamment joué par Johnny Depp, j’y reviendrai, ce jeune homme créé par un inventeur de génie mais qui meurt avant de terminer son œuvre. Edward n’a pas de mains, juste des lames acérées en guise de doigts. Mais il est doué avec ses couteaux. Il taille tout ce qu’il veut en tout comme il veut, transformant une haie en dinosaure, un arbuste en main ouverte vers le ciel ou votre coiffure… en banana split !Edward avec ses mains d’argent c’est le roi de la coupe ! 20th Century FoxMais ma réplique préférée reste définitivement celle qui suit. Alors qu’Edward vit seul dans un sombre mais gigantesque château perdu là en haut d’une colline, il reçoit la visite de Peg, une représentante en cosmétiques. Peg invite le jeune homme à la maison et elle lui présente pas mal de monde en ville. Edward devient vite une attraction locale surtout grâce à ses talents de… tailleur. Transformé en objet de curiosité, il apprend à vivre avec sa nouvelle notoriété. Pourtant ses différences font encore peur. Parmi toutes ses rencontres, il tombe sous le charme de Kim joué par Winona Ryder, dont tous les mâles de la Génération X sont tombés en amour. Ces deux-là sont attirés l’un vers l’autre mais ses doigts aiguisés restent un obstacle difficile à contourner. À tout moment, Edward peut blesser Kim. D’ailleurs c’est ce qui arrivera. Un stupide accident. Et puis un jour, Kim ose et lui demande…- Serre-moi… - Je ne peux pas ! "Edward aux mains d’argent" est le 4e film sur 19 actuellement du réalisateur Tim Burton. Lui qui sort tout juste de l’énorme succès engendré par son "Batman" avec Michael Keaton et la Batmania qui en a découlé en 1989, voici qu’il revient avec une comédie dramatique on-ne-peut-plus personnelle. L’histoire de ce jeune homme différent des autres, talentueux mais rejeté, vivant dans son monde, admiré et craint, tout cela résonne en Tim Burton. En fait quand on regarde de plus près sa filmographie, lui n’a jamais cessé de nous raconter le destin de marginaux, que ce soit avec des longs-métrages inspirés de personnages réels comme "Ed Wood" le réalisateur d’une autre planète et "Big eyes" le couple Keane et leur imposture artistique ou ces autres fictions comme "Beetlejuice" ou "Dark Shadows". Mais là où son "Edward" se veut aussi terriblement personnel, c’est dans son visuel. Avec sa créature, Burton s’impose comme un réalisateur gothique et défend bec et ongles ou plutôt bec et lames de ciseaux cette Depp et Vincent Price dans "Edward aux mains d’argent", la créature et son créateur. 20th Century FoxPlus de 30 ans après sa sortie, "Edward aux mains d’argent" n’a pas pris une ride. Mieux encore, il fait partie de cette catégorie de films qui, avec l’âge, se bonifient. Il n’a pas connu de suite ou presque. En février 2021, en plein Super Bowl, la finale de football américain, l’un des événements les plus regardés à la télé, une marque automobile a diffusé une publicité où elle a imaginé la vie du fils d’Edward interprété par Timothée Chalamet, le Johnny Depp des jeunes d’aujourd’hui. Le spot ne dure que 90 secondes mais quel bonheur de retrouver cet imaginaire-là !Revenons à notre Edward original. Avec ce fond et cette forme travaillés, ces couleurs très sixties dans lesquelles évolue ce personnage sombre et cette magnifique histoire d’amour sur le fil du rasoir, cette fable sur l’acceptation des différences a tout de suite rencontré un beau succès. Elle a surtout lancé la carrière d’un jeune premier, Johnny Depp. Alors oui, Johnny avait déjà tourné son premier film c’était "Freddy, les griffes de la nuit" sorti en 1984, déjà une histoire de lames coupantes et il était déjà une star de la télé avec la série "21 Jump Street" de 1987 à 1991. Mais avec "Edward aux mains d’argent", il offre davantage, entre émotions et humour burlesque. Sa palette de jeu s’étoffe et ses fans, de plus en plus nombreux, craquent. Suivront d’autres magnifiques prestations comme dans "Arizona Dream", "Benny and Joon" ou "Donnie Brasco". Après, plus tard, bien entendu, il y a eu "From Hell" et la saga "Pirates des Caraïbes" plaçant Johnny sur orbite. Reste à savoir si vous l’aimiez avant qu’il ne cabotine comme dans les spin-off de la saga Harry Potter soit "Les animaux fantastiques" ou quand il jouait parfaitement bien les déglingos comme dans "Las Vegas Parano" ! ? Depp va encore travailler à de nombreuses reprises pour Burton. Ce dernier lui offrant des rôles toujours de plus en plus dingues et colorés comme le Chapelier Fou dans "Alice au Pays des Merveilles" ! Tim et Johnny semblent aujourd’hui indissociables. Ce qui me fait encore penser à une dernière réplique entre Kim et Edward… PARTAGERSur le même sujetArticles recommandés pour vous Découvrez les répliques les plus marquantes, les plus connues ou les plus amusantes du film Edward aux mains d’argent. Kim Il a en tout cas créé un homme qui ressemblait à tous les hommes. Il lui a donné un cœur, un cerveau, tout quoi. Enfin, presque tout. Seulement, cet inventeur était très, très âgé. Si bien qu’il mourut avant d’avoir terminer l’homme qu’il avait inventé le laissant ainsi livrer à lui-même, pas fini et abandonné à sa solitude. Petite fille Il n’avait pas nom ? Kim Si bien sûr qu’il avait un nom. Il s’appelait Edward. Kim Je ne peux pas. Kim Vois-tu, avant qu’il soit descendu au village, il ne neigeait jamais. Et depuis son passage, il neige. Et je me dis que s’il n’était pas là-haut, il n’y aurait sûrement pas de neige aujourd’hui. Des fois, il m’arrive encore de danser au milieu des flocons. CINÉMA — Analysons le scénario du film Edward aux mains d’argent 1991 comment dose-t-il sa fantaisie ?À partir de quand une histoire devient-elle trop irréaliste pour parvenir à nous captiver ?Info Cet article retranscrit un épisode du podcast “Comment c’est raconté ?”, disponible sur Youtube, iTunes, Soundcloud et services de podcast par ! Et bienvenue dans ce 21ème numéro de “Comment c’est raconté ?”, le podcast qui déconstruit les scénarios un dimanche sur deux. Content de vous retrouver en cette rentrée 2018–2019. Aujourd’hui, aiguisons nos classiques américains avec Edward aux mains d’argent, comédie fantastique si ce n’est dramatique réalisée par Tim Burton, écrite par ce dernier et Caroline Thompson, sorti en avril 91 au cinéma. Nous nous demanderons comment et jusqu’où un personnage irréel parvient-il à nous émouvoir et à nous n’est pas un garçon ordinaire. Création d’un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer, un cerveau pour comprendre. Mais son concepteur est mort avant d’avoir pu terminer son œuvre, ainsi Edward se retrouve avec des lames de métal et des instruments tranchants en guise de doigts. Extrait de la bande toujours, mieux vaut vous prévenir attention Ça vous est déjà arrivé, qu’un film ne vous emporte pas, faute de réalisme, de cohérence, de probabilité ou que sais-je de cet ordre ?Il n’est pas évident de traiter de ce sujet, car sa finalité n’est pas personnes dont je fais partie ont adoré BlacKkKlansman pour son humour et ses scènes d’ironie, là où d’autres ont été complètement refroidis par ses incohérences personnes dont je fais moins partie ont adoré Les Garçons Sauvages pour sa liberté de narration, son esthétisme, sa symbolique défiant les genres, là où d’autres n’ont juste rien compris, faute de la moindre once de réalisme, entre personnes dont je fais encore moins partie ont adoré l’impertinent et déjanté High Rise, pour son onirisme et sa satire sans concession, là où d’autres ont simplement subi un flot improbable de scènes caricature et résume évidemment les points de vue possibles à l’égard de ces trois films, notons simplement qu’il paraît difficile d’expliquer ce qui, dans une fiction donnée, emporte la conviction du spectateur ou non, si ce n’est le goût et les couleurs ?En fait… Pas vraiment, ou en tout cas pas CONSENTIE D’INCRÉDULITÉNotre précieuse participation active à un récit compte en grande partie sur notre relative suspension consentie d’incrédulité », expression un peu compliquée — que j’avais brièvement évoquée pour l’épisode 3 dédié au film Réalité — mais plus simple qu’elle en a l’air et que vous connaissez sûrement. On pourrait résumer ce phénomène par un spectateur mettant de côté son scepticisme pour recevoir une œuvre, comme s’il s’agissait de la réalité, afin d’échapper temporairement à cette exemple, on sait que les super-héros n’existent pas, que les dinosaures ont disparu, que les créatures fantastiques sont par définition irréelles, pourtant en 2018 on s’est laissé parfois apprécier un Avengers, un Jurassic World ou La Forme de l’ encore, à chacun son scepticisme et à chacun sa capacité à en faire abstraction ou non, suivant ses goûts propres, mais, comme nous allons voir, la construction d’un scénario a sa part de accordons-nous sur une chose ce qui se passe dans Edward aux mains d’argent est impossible. Un humain créé par un inventeur, c’est impossible. Un humain qui vit seul reclus sans ressources pendant des années, c’est impossible aussi. Un humain avec des lames à la place des doigts, c’est impossible également. Alors, pourquoi le public s’autorise-t-il à croire à Edward aux mains d’argent, attribuant en moyenne presque 8/10 au film sur SensCritique ?Vous l’aurez compris avec le titre de ce numéro, il est avant question de nuance entre possibilité, probabilité et ET COHÉRENCEDans Poétique, Aristote observe qu’il vaut mieux raconter des histoires impossibles mais vraisemblables, que des histoires possibles mais qui n’entrainent pas la conviction.© 20th Century Fox FranceAutrement dit, le fait qu’un film soit impossible n’a pas vraiment d’incidence sur notre suspension consentie d’incrédulité. En revanche, s’il s’avère improbable, invraisemblable… là ça pose attention aux chances qu’une situation a d’arriver. Si par exemple les ennemis de la Planète des Singes Suprématie se voient ensevelis par une fortuite avalanche digne des plus tristes Deux Ex Machina, combien y avait-il de chances pour que cela arrive ? Une sur cent ? Deux sur cent ? Même pas ? Tellement peu qu’on n’y croit pas, et on a tendance dans ces situations à échapper un comme par hasard ».En revanche combien y-a-t-il de chances que vous croisiez un mec avec des lames en guise de doigt, en bas de chez vous ? Là, clairement, zéro sur cent. Mais dans un film ça ça pour dire que les événements d’un film bravent notre scepticisme lorsqu’ils n’ont aucune chance d’arriver, mais pas quand ils en ont très peu. On trouve ça trop facile, on trouve ça improbable, invraisemblable. La crédibilité, reformule William Goldman dans Adventures in the Screen Trade, importe plus que le tout cela nous mène à un paradoxe assez intéressant d’ailleurs. Des rebondissements tirés de faits réels — donc réels en plus d’être possibles — peuvent ne pas nous convaincre. Pensez à tous les spectateurs qui, au visionnage du Loup de Wall Street, ont décroché face à cette succession invraisemblable de situations extrêmes. Rien de ce film ne semble probable, ce n’est pas impossible non plus, mais les chances que tout cela arrive à un seul homme sont si minces… Pourtant, vous le savez sûrement, la majorité des rebondissements de ce film est tirée de faits paradoxe est soulevé par Vincent Robert, dans son manuel d’écriture d’enquêtes criminelles intitulé En Quête d’Émotions. Si on a tendance à pointer parfois que la réalité dépasse la fiction, elle la dépasse importe que les événements d’un film soient arrivés ou non, si vous n’y croyez pas, vous n’y croyez pas. Et ce malgré-même, parfois, la mention tirée d’une histoire vraie » en introduction. Comme le formule Aristote, ne relatons pas ce qui a eu lieu, mais ce à quoi on pourrait s’attendre. J’insiste sur le conditionnel, hein, car relater ce à quoi on s’attend tout court mènera à un film prévisible et pour résumer, si c’est impossible on s’en fout, si c’est possible voire réel on s’en fout aussi, la seule question importante demeure est-ce probable, est-ce vraisemblable ?Est-ce probable qu’un personnage avec des lames en guise de doigts crève son matelas à eau par inadvertance, entaille malgré lui le visage d’un garçon qu’il veut prendre dans ses bras, fasse griller au barbecue des aliments empalés sur ses doigts, se passionne pour la sculpture de haies, de glace, puis de coupes de cheveux, bah… Oui, plutôt. Sa situation est impossible, mais ce qui en résulte dans le film est parfaitement probable, et même parfaitement cohérent. D’ailleurs, la cohérence, fois réglée la question du possible/impossible, et celle du probable/improbable, demeure celle de la cohérence.© 20th Century Fox FranceET LA COHÉRENCE LÀ-DEDANS ?Parmi les choix narratifs que l’on peut reprocher à une histoire, figurent, d’après Aristote, les péripéties contradictoires, donc incohérentes, quoi. Une fois les règles magiques » d’une œuvre fixées, il conviendra d’être cohérent en s’y tenant, et de ne pas créer de l’impossible dans cet impossible, là ça ne fonctionnera Edward débarquait dans le village avec une certaine aisance, une certaine assurance, ce ne serait pas cohérent, on n’y croirait pas, vu qu’il a vécu en ermite depuis toujours. Qu’il ait survécu pendant tout ce temps dans ces conditions, comme je le disais, c’est impossible, mais une fois que l’on a accepté cela, alors on exige inconsciemment qu’Edward ne soit pas adapté au monde réel, tout simplement car cela serait cohérent. Et heureusement, Burton et Thompson ont écrit le film dans ce cette question de cohérence intrinsèque s’applique tout autant aux récits impossibles qu’aux récits possibles. Elle s’applique à tous les récits en fait. Invité dans le podcast Nouvelle Ecole, l’impitoyable critique répondant au doux nom d’Odieux Connard parle de cette importance dans un récit, de se mettre à la place des personnages que l’on écrit, en se demandant si dans telle ou telle situation, ils pourraient faire mieux ? Il n’est pas forcément question de films de science-fiction, de films fantastiques ou impossibles d’une manière générale, prenez n’importe quel film complètement réaliste. Pourquoi Adam Driver, pour revenir à BlacKkKlansman, ne répond-il pas au téléphone en plus d’infiltrer le Klan ? Comme ça les antagonistes ne noteront pas que la voix irl du personnage et celle du téléphone ne correspondent pas. Le film est possible, réel, mais il n’est pas cohérent. Cette incohérence permet juste au personnage campé par John David Washington de rester personnage principal du récit en répondant LUI au téléphone, et donc en gardant l’affaire en outre, pour revenir à la question des goûts et des couleurs, on aura vite-fait de rationaliser, d’excuser l’incohérence d’un film par toute sorte de théories farfelues, si on aime cette œuvre et qu’on a envie de la défendre, parfois au moyen de symbolismes alambiqués. Personnellement j’excuse les incohérences du film de Spike Lee tout simplement car je me suis bien marré. Ça peut suffire, dans une certaine mesure.© 20th Century Fox FranceEt puis la recherche de cohérence a ses limites bien sûr. Comment Edward peut-il se souvenir de sa conception, lors de son premier flashback, s’il n’existait pas encore à ce moment-là ? Pourquoi ne place-t-il pas de protections en plastique sur ses couteaux pour éviter les accidents ? Pourquoi sculpte-t-il des dinosaures et des anges, s’il n’a jamais eu accès à la culture, depuis son manoir isolé ? Tout récit, qui plus est fantastique, poussé dans ses retranchements, dévoilera certaines failles. Tant qu’elles ne nous choquent pas spécialement, et c’est le cas ici, elles n’importent d’une manière générale, une fois l’impossible établi, n’y ajoutons de l’incohérent ou de l’impossible à l’intérieur, pas plus que de l’improbable d’ailleurs, lui on n’en veut jamais. Mais n’ajoutons pas non plus de l’impossible à côté, ou pas COUP… OPEN BAR POUR L’IMPOSSIBILE ?Dans son manuel Save the Cat, Blake Snyder prévient les scénaristes, à travers un principe qu’il nomme Double Mumbo Jumbo », qu’un scénario ne peut contenir qu’un seul élément magique ou impossible, après quoi le spectateur cessera surement de suspendre sa quand il dit un élément », on va dire un élément global. Car dans Avatar, il y a 36 000 phénomènes et créatures irréels, donc globalement disons que l’élément impossible est la planète en même dans Edward aux mains d’argent, j’énonçais précédemment toutes les prémisses impossibles de ce film, elles se voient toutes contenues dans la simple et unique impossibilité qu’un humain soit créé par un inventeur. À partir de là, cet humain présente tout un tas de caractéristiques revanche, si par la suite, au fil du récit, on constate que certains personnages lisent dans les pensées, que d’autres peuvent faire remonter temps, et que les chiens crachent du feu, on ne saura plus trop à quoi se raccrocher, on ne fera plus confiance au film, notre scepticisme reviendra en malheureusement subit cet effet, face au film Vice-Versa des studios Pixar. Ça ne m’a pas gâché non plus le visionnage, mais de voir les personnages parcourir successivement plein de mondes impossibles avec chacun ses règles, provoque une accumulation continuelle de nouvelles règles à intégrer, et du coup je n’étais plus vraiment investi dans l’histoire, je la voyais défiler sous mes yeux passivement, car au final, n’importe quand, un truc magique sorti de nul part pourra nous ne sommes pas tous capables d’accepter la même quantité d’impossible, et certaines œuvres ont même pour principe, pour style artistique, d’accumuler un maximum de phénomènes impossibles, cela peut s’avérer ludique et le plus souvent, si un récit rabat les cartes, reconfigure son contexte toutes les trois scènes, le spectateur peut se fatiguer à devoir constamment s’adapter à l’ conclure du coup sur cette triptyque, Edward aux mains d’argent est un film impossible, probable et cohérent. Ou, formulé autrement, un film irréel, vraisemblable et logique.© 20th Century Fox FranceTROIS NOTIONS SI FONDAMENTALES QUE CELA ?Cela dit, on ne peut pas se contenter de cette observation. Dans les numéros 9 et 17 de Comment c’est raconté, que je vous invite à ré-écouter, consacrés respectivement à Gravity et à Juste la fin du monde, j’évoque la dichotomie entre histoire et intrigue, donc entre émotions et action. D’ailleurs pardonnez-moi, mais j’emploie régulièrement le mot histoire pour parler d’intrigue, et réciproquement, nous le faisons surement tous, c’est pourquoi je vais préférer ici parler d’émotion et d’action, pour que cela soit plus possibilité, la probabilité, la cohérence, sont avant tout affaire d’action. Ils régissent les péripéties d’un récit, non pas ce qui nous émeut, mais ce qui nous il n’est plus à démontrer que le plus important dans un film reste l’émotion, l’humain. Et cela relève moins de ces questions cartésiennes de possibilité, de probabilité et de pourra alors dissocier ici ce qu’on raconte, de comment on le raconte. Edward aux mains d’argent raconte l’histoire de la différence, comme une bonne partie de l’œuvre de différence est dévisagée du regard, comme le fils de Peg dévisage Edward durant son premier repas. La différence est exploitée, comme le petit ami de Kim envoie Edward déjouer une serrure, ou Joyce cherche à lancer un salon de coiffure avec les compétences d’Edward. La différence est remise en question, comme tous ces personnages qui proposent à Edward de voir un médecin. La différence est crainte, comme lorsque Kim rencontre Edward pour la première fois. La différence est scrutée, comme la scène de barbecue où les convives bombardent Edward de questions et de remarques qu’ils projettent sur lui. Une personne est parfois aimée pour sa différence et non pour qui elle est, comme quand la classe du fils de Peg applaudit la démonstration d’Edward à l’école, ou quand le village sollicite Edward pour ses sculptures d’espaces verts, ou quand Joyce veut coucher avec ce dernier juste pour l’expérience. La différence est désignée coupable, comme lorsqu’Edward essaye d’aider l’enfant qu’il vient de sauver, et qu’on le taxe d’agresseur. La différence est sacralisée, comme lorsqu’une voisine de Peg pour le moins religieuse taxe Edward de fils de Satan ou que la liste se poursuit, tout cela pour dire que le caractère impossible d’un film, en l’occurence des lames en guise doigts, constitue comment il est raconté, et non ce qu’il raconte, en l’occurrence la même histoire aurait pu être au contée dans le monde réel, avec des personnes victimes d’oppressions diverses, ou des personnes considérées comme donc pas de rappeler, ça ne mange pas de pain, que ce qui procure à un film sa force restera avant tout ce qu’il raconte, et non comment il le raconte, donc s’il est probable, logique ou possible.© 20th Century Fox FranceFondu au noir pour ce 21ème numéro de “Comment c’est raconté ?”, merci pour votre écoute, j’espère qu’il vous aura intéressé !Retrouvez tous les liens du podcast sur dont Facebook, Insta’, tout ça, mais encore et surtout iTunes pour ce-dernier je vous invite à laisser 5 étoiles et un commentaire — c’est très im-por-tant pour le référencement du podcast, podcast dont l’habillage musical était signé Rémi Lesueur je le rappelle, et l’ m’appelle Baptiste Rambaud, disponible sur Twitter pour répondre à vos questions, à vos réactions, et vous donne rendez-vous donc dans 2 semaines, pour la 22ème séance. Tchao !

edward et les mains d argent